jeudi 31 mai 2007

Point de vue sur l'ouvrage "Monothéisme"

Récension de l’ouvrage de Sylvain Kalamba Nsapo intitulé Monothéisme et publié chez Menaibuc en 2007

Voici un opuscule de Sylvain Kalamba Nsapo que nous saluons avec d’autant plus de chaleur que nous nous étions montré critique à l’égard du contenu du précédent, ce qui prouve bien qu’il s’agissait d’un désaccord idéologique qui n’avait pas à affecter et qui n’a jamais affecté les relations personnelles.
De l’aveu de l’auteur, le prétexte à la rédaction de cet opuscule lui a été donné par son désaccord avec le contenu de l’article d’un Belge nommé C. Cannuyer, article publié sur un website et dans lequel ce dernier affirme d’une part que les travaux sur la religion d’Akhenaton (présenté comme le précurseur du monothéisme) pèchent par un excès de romantisme et, d’autre part, que le monothéisme est un héritage judéo-chrétien et non pas négro-égypto-antique. De même, pour l’égyptologie anti-afrocentriste, le pharaon Aménophis ou Akhenaton (1348-1331) est le précurseur du monothéisme et de l’anti-polythéisme intolérant et opposé à d’autres dieux. Le texte entier de Sylain Kalamba Nsapo est une réponse appropriée à toutes ces affirmations falsificatrices. L’auteur s’emploie à montrer que les concepts de monothéisme et de polythéisme et leur opposition ne sont pas opérantes dans la théologie kémit.
En effet et comme l’asserte le théologien congolais, Israël ayant été une province de l’Egypte ne pouvait ignorer le monothéisme égyptien. Ainsi Kalamba relaie implicitement la thèse devenue banalité dans la bouche des afrocentristes que nous sommes et d’après laquelle la Vallée du Nil c’est-à-dire l’Afrique est le Berceau de l’humanité et la Matrice Primordiale de Dieu. Emporté dans son élan et crédibilisant en sous-jacence « la thèse de l’antériorité de l’antériorité » sans le dire explicitement, Sylvain Kalamba Nsapo précise que le monothéisme, mieux le mono-originisme a ses origines dans le bassin du Nil-Kongo car cette croyance existait avant Akhenaton[1]. Autrement dit, C. Cannuyer se trompe doublement en attribuant l’origine du monothéisme à la Bible ou à Akhenaton.
Le Dr Kalamba a analysé le monothéisme juif et conclut que ce modèle de pensée n’implique pas la croyance en un Dieu unique et universel car, à proprement parler, il est question d’une monolâtrie au sens d’un culte rendu exclusivement à une divinité sans pour autant nier l’existence d’autres dieux. Yahvé est un dieu clanique parmi d’autres. Les spécialistes utilisent le terme de hénothéisme pour qualifier cette pratique: on croit à un Dieu Suprême, cependant les autres divinités ont leur place. En effet et comme nous l’enseigne Kalamba, les idées des écrivains bibliques ne sont pas forcément celles du peuple juif. Plusieurs fois en effet, on stigmatise dans la Bible ce peuple pour son abandon de Yahvé au bénéfice d’autres dieux.
En comparaison et à la suite de Bilolo Mubabinge[2], notre auteur distingue, en ce qui est de l’Egypte antique et nègre, entre mono-originisme et monothéisme :
· Le mono-originisme est le postulat de la pensée kémit sur l’origine de tout ce qui est. La thèse mono-originiste revient à dire que les dieux ont eux aussi été créés par Ptah, l’Unique Créateur ou l’Architecte Génial. Cela explique pourquoi, dans cette armature théorique si cohérente, Akhenaton n’avait pas à combattre le polythéisme ni non plus à l’opposer au monothéisme. Les dieux font partie de la création et sont venus au monde après la terre, les plantes ou les pierres. Contrairement à la régression théologique identifiable dans la Bible et dans la théologie occidentale qui assimile ce qui n’est pas encore au chaos et au désordre, le Créateur est, dans la Vallée du Nil, le Créateur de ce qui est et de ce qui n’est pas encore.
· Le monothéisme biblique, c’est la foi en un Dieu unique et survivant de l’ensemble des dieux au statut ontologique confus. En stigmatisant ce qu’il qualifie d’« errance monothéiste qui a les allures d’un discours en folie » (sic), l’auteur se demande, dans la note 15 de son livre et à l’instar de ses devanciers, si le triomphe du monothéisme biblique ne s’est pas produit au terme d’un « théocide », autrement dit de l’élimination d’autres dieux au profit de Yahvé. Grâce à la thèse mono-originiste, le Dieu kémit n’est pas suspectable d’avoir commis ce crime suprême puisque les dieux sont le produit de son oeuvre créatrice. Le Dieu Suprême n’est pas en concurrence avec ses créatures et n’a aucun intérêt à les supprimer.
Il s’ensuit logiquement que, dans l’herméneutique kémit, c’est un non-sens de parler de monothéisme ou de polythéisme et d’opposer les deux notions. On ne peut en effet opposer l’Etre-Origine de tout ce qui est et de tout ce qui n’est pas encore aux êtres dont Il est la Source. On ne doit pas confondre les dieux-créatures de l’Egypte antique et nègre avec les notions de polythéisme et de monothéisme à l’honneur dans l’herméneutique judéo-chrétienne. C’est tout cela qui donne à Kalamba et à nous tous la force de repousser l’affirmation d’un prélat catholique européen selon laquelle « (…) en Afrique (…), le problème est qu’il y a trop de dieux (…) qu’il faut réduire à un »[3]. Il y a un seul Dieu qui a créé d’autres dieux. Ces derniers ne sont pas Transcendants comme Ptah, l’Architecte Primordial. Dans le mono-originisme égypto-antique et nègre, Atoum alias Amon ou Râ « Etre-Complet ou Plénitude l’Etre et Non-Etre » n’est pas pluriel. La philosophie du mono-originisme ne peut concevoir un Dieu jaloux de ses créatures fussent-ils des dieux.

- Par le Dr Tedanga Ipota Bembela




[1] DRIOTON, E., Le monothéisme de l’ancienne Egypte, dans Cahiers d’histoire égyptienne, janvier 1949.
[2] Lire BILOLO, M., Les cosmo-théologies philosophiques de l’Egypte Antique. Problématique, Prémisses herméneutiques et Postulats majeurs, Kinshasa-Libreville-Munich, 1986.
[3] Lire Entretiens de novembre 2004 sur le site www.theologia.fr

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